19 mars 2019

Thinking outside the box – Actualités réflexives

Nous travaillons dur pour libérer l'extraordinaire énergie qui se trouve
cachée dans l'atome et dans son noyau. Si nous ne consacrons pas une énergie
égale – oui, et autant d'argent - à libérer le potentiel de chaque individu,
alors le décalage énorme qui existe entre le niveau des ressources
énergétiques physiques et celui des ressources humaines
va nous condamner à une destruction universelle bien méritée
Carl Rogers
Sylvain Lemay, responsable et conseiller à l’Accueil et au soutien aux étudiants en situation de handicap, UQAM L’auteur est membre de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et siège également au sein du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), au Comité national des personnes ayant un handicap.

Il y a longtemps que la question de la forte croissance du nombre d’étudiantes et d’étudiants ayant un diagnostic de trouble déficitaire de l’attention (TDAH) en enseignement supérieur est posée. Concrètement, pour l’ensemble du réseau universitaire, ceux-ci sont au nombre de 6 113 sur un total de 16 304 étudiantes et étudiants en situation de handicap (ESH)[1] soit 38 % de la population inscrite aux Services aux étudiants en situation de handicap. Dix ans auparavant, sur un total de 2771 ESH, ils représentaient 10 % de la population sollicitant ces services. Le 6 mars dernier, Radio-Canada a présenté un reportage sur cette population étudiante au sein des universités québécoises[2].

 

Déjà en 2012, cette préoccupation était au cœur du Comité Interordres[3] qui regroupait alors le Collège Montmorency, le Cégep du Vieux Montréal, l’Université de Montréal et l’UQAM autour des réalités de ces nouvelles populations. Les cégeps étaient déjà alors fortement interpellés par cette nouvelle population ayant besoin d’aménagements scolaires pour la réussite de leur projet d’études. La récente sortie des pédiatres dans les médias[4], mentionnant que 50 % des diagnostics de TDAH n’en seraient pas, confirme à nouveau l’importance d’une évaluation approfondie par la conseillère ou le conseiller responsable de la mise en place des aménagements demandés par l’ESH. Au regard de cette sortie médiatique, il faut demeurer vigilant, en particulier lorsque les diagnostics sont prodigués uniquement par des billets médicaux et sans plus de précision.

 

Dans ce contexte, l’évaluation des besoins de la part de la conseillère ou du conseiller aux ESH est encore plus importante et doit donc se faire, sans égard nécessairement aux recommandations émises par les médecins. Par ses responsabilités d’évaluations des besoins, la conseillère ou le conseiller qui élabore le plan d’interventions est en position de demander des pièces complémentaires nécessaires à l’étude des demandes émanant des ESH.

 

Dans cette perspective, le diagnostic devrait être considéré comme un point de départ et non pas comme une finalité en soi, car plus le diagnostic a été positionné tôt, plus le risque de résumer l’enfant à sa condition est grand. Résumer celui-ci à sa condition équivaut à le priver de sa capacité de rêver. Il apparait essentiel d’ouvrir l’échange entre l’étudiant et la conseillère ou le conseiller en lui rappelant que son identité ne se résume pas qu’à un TDAH. Il est aussi impératif de l’informer qu’il y a des qualités[5] associées à l’état d’une personne ayant un TDAH[6]. Les pédiatres vont également dans ce sens, la mise en place trop tôt d’un diagnostic et la médication qui y est souvent associée (le sujet n’est pas nouveau, le Québec est champion des prescriptions de Ritalin)[7] risque de cantonner l’enfant dans un état où sa représentation sociale et sa construction identitaire n’auront qu’à leurs bases ce diagnostic et les limitations qui en découlent.

 

Dans ce contexte, comme professionnelles, professionnels, comment pouvons-nous peaufiner nos interventions face à ces enfants qui sont maintenant aux études supérieures ?

 

Nous devons être conscients qu’il y a des forces en présence (parentales, étudiantes, professionnelles de la santé[8]) pour que soient reconduites ou appliquées les demandes d’aménagements. Une attention particulière semble nécessaire afin d’éviter les risques de reproduire une mise en place d’aménagements scolaires sans contextualiser ceux-ci dans un projet d’études. Tenir compte également du contexte académique dans lequel ces recommandations devront s’appliquer et se déployer s’avère important, car certaines mesures peuvent ou non s’appliquer sous la forme souhaitée. Dans une vision inclusive de l’apprentissage, ces échanges n’auraient pas lieu d’être, car les pratiques reliées à ces nouvelles façons de faire permettraient d’endiguer et d’estomper les différences. Nous serions alors dans une approche diversifiée des modes d’évaluation des apprentissages.

 

Dans cette perspective, le CAPRES propose un dossier présentant des ressources sur la Conception universelle de l’apprentissage (CUA) aussi appelée Universal Design for Learning (UDL)[9].

 

Cette simple vidéo du Centre de recherche pour l’inclusion scolaire et professionnelle des étudiants en situation de handicap (CRISPESH), produite dans le cadre d’un second projet Interordres regroupant le Collège Montmorency, les cégeps Marie-Victorin et Vieux Montréal, l’Université de Montréal et l’UQAM, résume tout.

 

Voici le moment (CUA) de cet article, pour une écoute diversifiée, nous changeons de média : https://www.youtube.com/watch?v=Aq_Rq3DzxlU

L’exemple de recommandations, qui revient le plus souvent des professionnels de la santé et de la part des ESH, est l’accès à du temps supplémentaire lors de la passation des examens. Pourtant les médecins et les neuropsychologues, qui évaluent ce besoin, n’ont jamais accès réellement à l’examen que devra passer l’ESH dans le cadre d’un cours. Il est habituellement recommandé d’accorder à l’ESH un tiers de temps supplémentaire lors de la passation des examens. Comment pouvons-nous en arriver à ce pourcentage précis sans avoir réellement pris connaissance du contexte de la passation d’examen et du mode d’évaluation des apprentissages ?

 

S’agit-il de questions à développement, de choix multiples, de « vrai ou faux » ?

 

Malgré de grandes réalisations en matière de CUA[10], certaines de nos pratiques actuelles

[1] http://aqicesh.ca/docs/AQICESH_stat2017-2018-Sans-univ.pdf

[2] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1156603/universites-etudiants-trouble-deficit-attention-tdah-accomodements

[3]https://sites.google.com/site/integrerlesnouvpopulations/outils-pour-etudiants

[4] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201901/31/01-5213070-tdah-des-pediatres-denoncent-la-surmedication-des-enfants.php

[5] Moulton-Sarkis, Stéphanie , «Le trouble déficitaire chez l’adulte», édition Broquet (2013).

[6] https://www.lapresse.ca/vivre/sante/201411/03/01-4815289-tdah-un-avantage-aussi.php

[7] https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201901/31/01-5213070-tdah-des-pediatres-denoncent-la-surmedication-des-enfants.php;https://www.lapresse.ca/actualites/sante/201811/20/01-5204847-tdah-forte-hausse-de-la-consommation-de-medicaments.php;http://plus.lapresse.ca/screens/464e4d41-37fb-4abc-9de6-0745c013cb53__7C__X1q_d~TudqbH.html

[8]https://www.opq.gouv.qc.ca/santementalerelationshumaines/domaine-de-la-sante-mentale-et-des-relations-humaines-projet-de-loi-21/guide-explicatif/

[9] http://www.capres.ca/dossiers/la-conception-universelle-de-lapprentissage-cua

[10] Voici une courte liste non exhaustive de la CUA dans le réseau: https://www.enseigner.ulaval.ca/ressources-pedagogiques/l-approche-pedagogique-inclusive;https://nouvelles.umontreal.ca/article/2016/09/01/conception-universelle-de-l-apprentissage-pour-une-pedagogie-plus-inclusive/ ; https://www.mcgill.ca/osd/faculty-staff; https://oraprdnt.uqtr.uquebec.ca/pls/public/gscw031?owa_no_site=3746&owa_no_fiche=66