19 mars 2013

L’enseignement supérieur des défis communs Les étudiants en situation de handicap dans les collèges au Québec

Carole Lavallée, directrice adjointe aux études, responsable du Service d’aide à l’intégration des étudiants (SAIDE), du Centre collégial de soutien à l’intégration (CCSI) de l’ouest du Québec et du Service d’aide à la réussite au Cégep du Vieux Montréal

Depuis près de 30 ans, les cégeps du Québec accueillent des étudiants en situation de handicap (ESH) et leur offrent des services afin de répondre à leurs besoins. En 1995, au Québec, seulement 350 étudiants avaient accès à des accommodements, surtout des étudiants ayant une défi « visible ». Plus tard, les étudiants ayant des troubles d’apprentissage, de santé mentale ou de déficit d’attention commencèrent à réclamer des services pour pallier leur handicap souvent diagnostiqué dès l’enfance, mais non encore reconnu au collégial. En 2007, le gouvernement québécois finance des projets pilotes visant ces effectifs.

Devant l’augmentation significative des cas, ils sont plus de 5700 à l’automne 2011, un plus grand nombre d’étudiants veut se prévaloir de services et le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) instaure, cette année-là, un nouveau programme de financement.

Ce nouveau mode de financement permet de mettre en place un service d’accueil et d’intervention, afin de répondre aux besoins des étudiants ayant un diagnostic émis par un professionnel reconnu par la Loi 21. Ce sont essentiellement les professions médicales, les orthophonistes et les psychologues qui établissent ces diagnostics. Ainsi, les cégeps peuvent maintenant compter sur plusieurs intervenants et quelquefois sur une équipe multidisciplinaire : conseillers en services adaptés, orthopédagogues, psychologues, techniciens en travail social ou en éducation spécialisée, pour ne nommer que ceux-ci.

Parfois, certains étudiants arrivent au collégial sans diagnostic. Leur âge et leur réalité font que les difficultés, bien que souvent latentes, se manifestent avec plus de force au moment de leurs études collégiales. Certains quittent pour la première fois le milieu familial pour s’installer en appartement et d’autres changent carrément de réseau social; pour d’autres, l’essai de boissons alcooliques ou de drogues, ou encore d’autres situations de vie bousculent un équilibre fragilisé par leur vulnérabilité personnelle.

Ces étudiants sont amenés aux services adaptés par des enseignants, des intervenants à la réussite ou des pairs qui sont inquiets devant leurs comportements ou leurs échecs répétés. Avant de recevoir des services adaptés, ils devront alors aller chercher un diagnostic formel.

À partir d’une évaluation de besoins, fait par le conseiller en services – les orthopédagogues possèdent les compétences appropriées pour effectuer cette évaluation – une série de mesures sont mises en place. Qu’il s’agisse d’un local isolé, de temps supplémentaire pour la passation des examens, de l’adaptation de l’horaire, de logiciels de soutien à la correction, de synthèse vocale, etc., aucune mesure n’est automatiquement offerte à partir des recommandations des professionnels de la santé. Chaque situation est évaluée selon les besoins de l’étudiant, son programme et son cheminement scolaire. Pour la plupart des étudiants, ces services suffisent, pour d’autres des mesures de suivi individualisé seront mises en place. Ces suivis seront effectués par des techniciens en éducation spécialisée ou en travail social qui accompagneront les étudiants dans leurs études.

 

Cette évaluation des besoins en complément avec le diagnostic permet la mise en place d’un plan d’intervention pour l’étudiant, et cela, en collaboration avec les autres intervenants du milieu : enseignants, responsables des mesures de réussite ou des services psychosociaux communautaires. Souvent, il s’agira d’encadrement plus étroit avec les enseignants, d’autres fois, il faut outiller l’étudiant de stratégies d’apprentissage plus efficaces. Elles visent à munir l’étudiant de méthodes de travail : organisation du temps, préparation aux examens, soutien à la lecture ou à la compréhension des attentes de l’enseignant, préparation de rencontres avec l’enseignant, gestion du stress. Ces moyens peuvent permettre de diminuer l’anxiété et la frustration.

L’étudiant doit aussi apprendre à différer ses besoins, à mieux saisir les enjeux de l’éducation postsecondaire et du contexte social dans lequel il étudie. Il doit bien sûr composer avec certains préjugés des enseignants qui reflètent souvent les préjugés véhiculés dans la société. Le conseiller en services adaptés peut alors les rassurer et leur présenter les besoins de l’étudiant.

Pour certains programmes, l’arrivée des stages est un moment très anxiogène. À ce moment, le conseiller en services adaptés peut faire une différence dans la préparation de l’étudiant et pour le soutien à la personne-ressource du collège qui coordonne l’assignation des stages aux étudiants. Ces derniers sont souvent inquiets de la réaction des milieux de stage face à la présence d’étudiants ayant des besoins particuliers. De plus, il est interdit d’avertir les milieux des troubles de l’étudiant à moins que ce dernier accepte. En contrepartie, il ne pourra pas être demandé au milieu de fournir des accommodements si celui-ci n’est pas informé des troubles de l’étudiant. Le conseiller en services adaptés peut donc accompagner l’étudiant et l’aider à comprendre qu’il a tout intérêt à mieux expliquer ses besoins.

Tout au long de leurs études, les ESH seront soutenus par le personnel des services adaptés, cependant le développement de leur autonomie est souhaité. En effet, les ESH, comme tous les autres, doivent se préparer à une future profession ou au milieu universitaire. Cette transition n’est pas toujours facile et demande encore à être organisée, comme c’était le cas pour la transition secondaire-collégial.

C’est pourquoi il est important que les conseillers en services adaptés des collèges et ceux des universités aient des échanges à ce sujet. Malheureusement, les occasions sont rares, même si, souvent, il s’agit de travailler avec les mêmes étudiants, dont le parcours est continu, brisé ou étonnamment en concomitance (certains étudiants étudient à la fois au collège et à l’université !). Les compétences et les expériences vécues dans les établissements collégiaux et universitaires sont très semblables, tant dans les relations développées avec les étudiants qu’avec leurs enseignants ou professeurs. Déjà, certains cégeps et universités participent à des projets interordres, et des conseillers se parlent informellement.

Il serait avantageux de partager les différentes conceptions des services adaptés, particulièrement, les ressemblances, les défis et les questionnements qui permettront aux deux réseaux de s’auto-influencer