19 novembre 2018

Étude sur la discrimination envers les personnes ayant des limitations physiques

Laure Sébrier, coordinatrice du projet de recherche DEPPI

Le projet Disability, Employment, and Public Policies Initiative (DEPPI) est né d’une initiative conjointe des Instituts en recherche du Canada (IRSC) et du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH). Le projet tire sa force de son approche multidisciplinaire puisque l’équipe est composée de 12 chercheurs issus de domaines différents : économie, sociologie, réadaptation, éducation et travail social.

 

Depuis 2015, les membres de l’équipe œuvrent dans leurs différents domaines de recherche afin d’obtenir une meilleure compréhension de l’intégration, de la participation et du maintien en emploi des personnes ayant des limitations physiques. Notre but est d’établir des recommandations de politiques publiques adaptées à la réalité du terrain.

 

Dans cette optique, il nous apparaissait important de mesurer la discrimination à l’embauche rencontrée par les personnes ayant des limitations physiques. Nous avons pour cela procédé à une expérience en utilisant la méthode appelée testing qui consiste à répondre à de vraies offres d’emploi par des candidatures fictives afin de tester la réponse des employeurs.

 

Durant la période de juin 2016 à avril 2017, nous avons répondu à près de 1500 offres d’emploi dans les régions de Québec et Montréal. La moitié des candidatures envoyées faisait mention d’un déplacement en fauteuil roulant à la suite d’un accident, tandis que l’autre moitié n’en faisait pas mention.

 

Nous avons visé des postes de secrétaire, réceptionniste, commis comptable et programmeur. Le choix de ces postes était motivé par le fait qu’il s’agissait d’emplois où le handicap n’avait pas d’impact sur la productivité du candidat. Nous avons par la suite mesuré les taux de rappel et de convocation en entrevue selon le type de poste visé et selon le type de candidature (avec ou sans handicap).

 

Notre étude a mis en lumière la très forte discrimination envers les personnes ayant des limitations physiques. Le taux de rappel des employeurs pour un entretien d’embauche passant de 31,5% pour une candidature sans mention à 14,5% pour une candidature faisant mention d’un handicap. Le fait pour un candidat de signaler sa situation dès la lettre de présentation réduit donc de moitié les chances de décrocher un entretien d’embauche.

 

L’accessibilité physique des lieux pouvant être une explication possible à cette discrimination, nous avons visité près de 600 entreprises et nous avons constaté que cela n’influençait pas les taux de rappel. Les autres éléments intégrés à notre étude ont montré que ni la ville (Québec VS Montréal), ni la taille de l’entreprise, ni même le fait de mentionner une admissibilité à des subventions ne venait réduire l’écart entre les taux de rappel des deux types de candidatures.

 

 

La discrimination constitue une barrière immense qui limite grandement la portée de certaines politiques publiques mises en place pour faciliter l’intégration et le maintien en emploi des personnes handicapées puisqu’elles ne sont même pas convoquées à un entretien d’embauche. Nous sommes par ailleurs conscients qu’il s’agit très certainement de la borne inférieure de la discrimination et que des écarts beaucoup plus importants seraient à prévoir pour d’autres types de handicaps, tels que la santé mentale.

 

Parmi les projets à venir, nous souhaiterions tester l’utilisation du CV vidéo afin de voir si cela peut réduire les a priori négatifs des employeurs et ainsi diminuer la discrimination à l’égard des personnes ayant des limitations physiques.