19 novembre 2014

Et si l’étudiant ayant un TDA/H était tout simplement de son temps !

Marie Ducharme, c.o. et conseillère à l’accueil et soutien aux étudiants en situation de handicap de l’UQAM

Ce présent article fait suite à un premier volet publié au printemps dernier dans le Bulletin de l’AQICESH portant sur la prise de médication pour les étudiants ayant un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H). Cette fois-ci, ma réflexion se porte sur les défis que doivent surmonter ces étudiants au cours de leur vie, notamment durant leurs études universitaires ainsi que sur les ressources sur lesquelles ils peuvent compter pour relever ces défis.

 

Le TDA/H provoque chez l’enfant des problèmes neurologiques importants qui peuvent se poursuivre à l’âge adulte. Il affecte 4,4 % de la population des États-Unis (Kesselet al., 2005) et de 3 à 5 % de la population québécoise, selon le Document CSSMI – Nadine Lebel-Sansoucy, 2011[1]. Ce trouble entraîne des difficultés d’adaptation importantes chez l’adulte pour près de 80 % des gens qui en sont atteints[2]. Il n’est donc pas inutile d’examiner comment cette situation affecte le jeune adulte dans les différentes sphères de sa vie : familiale, sociale, scolaire, professionnelle, etc., et comment, ce même adulte pourra combler certains de ses besoins malgré ce trouble.

 

Dans le nouveau Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5e édition (DSM-5), le TDA/H se répartit en deux domaines de principaux symptômes : l’inattention et l’hyperactivité/impulsivité. Le TDAH/H chez le jeune adulte occasionne surtout des problèmes cognitifs d’attention, comme la distractivité, la bougeotte dans les idées et la désorganisation. La personne peut avoir de la difficulté à commencer une tâche ou bien à la finir ; elle peut s’éparpiller, attendre à la dernière minute pour accomplir une tâche et être facilement distraite. Au travail, comme dans la vie privée, l’impulsivité fera des ravages[3], et qui plus est, les enfants ayant un TDA/H seront plus à risque, à mesure qu’ils vieillissent, de développer d’autres troubles en comorbidité, par exemple, des troubles de l’humeur, présents dans 25 % des cas à l’adolescence, et des risques de toxicomanie[4]. Stephanie Moulton Sarkis, PhD. Illustre bien l’ampleur des impacts du TDA chez le jeune adulte et l’adulte :

 

« Les adultes souffrant du TDA ont un statut socio-économique significativement plus bas, un taux de réussite scolaire inférieur et des frais médicaux plus élevés que leurs pairs qui n’en souffrent pas (Kleinman et al., 2009 ; Bernfort, Nordfeldt et Persson, 2008). Les adultes ayant le TDA adoptent aussi des comportements plus à risque (comme le jeu), ont un taux d’abus de substances plus élevé et ont plus d’accidents de voiture (Breyer et al., 2009 ; Wilens et Upadhyaya, 2007). Ils ont aussi un taux plus élevé de naissances non planifiées et d’infections transmises sexuellement par rapport aux personnes ne souffrant pas de TDA (Flory et al., 2006 ; Barkley et al., 2005).

Les adultes souffrant du TDA ont aussi plus de chances d’être sans emploi. Une étude a révélé que seulement 24 % des adultes ayant le TDA avaient un emploi, par rapport à 79 % chez les adultes non affectés. Ce taux d’emploi croît avec le traitement des symptômes (Halmey et al., 2009)[5]

 

Tous s’entendent pour dire que le passage de l’adolescence au début de l’âge adulte correspond à une période de développement critique d’où émergent les changements sociaux et psychologiques. Le jeune adulte désire prendre une distance par rapport à la famille en s’identifiant plus à ses pairs. Il développe des intérêts, des habiletés et des loisirs qui lui sont propres. Il découvre l’intimité et la sexualité. Il forme et maintient autour de lui des relations d’amitié et de collégialité. C’est un moment important pour choisir une carrière, commencer un emploi ou poursuivre des études supérieures. Toute son énergie psychologique est sollicitée afin de consolider sa personnalité et définir son projet de vie[6]. Mme Gaudet (2001) souligne quant à elle qu’« entre l’enfance et l’âge adulte survient l’acquisition de l’autonomie, de l’indépendance et de la responsabilité, et les processus qui se développent au cours de la socialisation de l’enfance vers l’âge adulte sont toujours construits autour d’événements[7] ».

 

Or, le jeune adulte ayant un TDA/H est durement touché dans son estime, sa confiance et son affirmation de soi. Les échecs répétés qui débutent très tôt dans le cheminement de l’enfance se poursuivent à l’âge adulte, lui conférant souvent l’étiquette de paresseux, de mauvais élève, à finalement celle de mauvais travailleur. Fauvert et Cournoyer (2012) ont complété une recherche sur des constats faits par des conseillers d’orientation (c.o.) qui rencontrent dans leur pratique, des adolescents ayant un TDA/H : « Ils sont insécures et plus anxieux pour l’avenir, ils ne se voient pas dans le futur ; ils sont beaucoup dans le présent ».

 

Sur le plan des relations sociales, les comportements impulsifs, désorganisés, le niveau d’activité élevé et la sensibilité à la frustration de l’enfant TDA/H marquent déjà négativement les relations familiales[8]. Dans le témoignage d’un c.o., Faubert et Cournoyer (2012) relèvent ce commentaire qui démontre bien cet état de fait : « J’avais une famille qui avait de grosses, grosses attentes envers le jeune et puis le jeune était complètement démotivé, attristé de voir qu’il faisait de la peine aux parents parce qu’il ne performait pas à l’école, il n’avait pas les notes pour rentrer aux études supérieures […] C’est surtout au niveau de l’estime de soi du jeune, le jugement, les attentes des parents […][9] ».

 

Pour le jeune adulte ayant un TDA/H, ces problèmes se répercutent sur sa vie sociale et rendent difficile la mise en place de relations interpersonnelles avec ses pairs et lors des premières tentatives de relations amoureuses. Les symptômes et comportements suivants, souvent rencontrés, nous en disent long sur les répercussions relationnelles du trouble pouvant rendre difficile une étape importante dans la vie du jeune adulte :

 

  • Mettre trop d’activités à l’horaire ou faire des listes qui ne seront pas utilisées ;
  • Remettre des tâches à plus tard ;
  • Ressentir une agitation intérieure et avoir une faible estime de soi ;
  • Avoir de la difficulté à gérer l’argent ;
  • Changer ou souvent perdre des emplois ;
  • Déroger aux règles et se mettre en colère rapidement ;
  • Avoir de la difficulté à faire un suivi auprès des amis,
  • interrompre les gens et parler plus fort que les autres dans un contexte social[10].

 

L’inattention et le manque de concentration font obstacle à la capacité de s’organiser. Dès lors, mener à terme un projet devient quelque chose de presque irréalisable ; s’en suivent une multitude d’échecs qui s’accumulent et une dévalorisation personnelle importante. « Des fois, c’est des élèves qui n’ont pas de projets […] c’est comme s’ils avaient vécu trop d’échecs ou trop de difficultés qu’ils ne sont même pas capables de se projeter dans autre chose plus tard », Fauvert et Cournoyer(2012)[11]. Pour ceux qui éprouvent des problèmes de sommeil, de consommation d’alcool ou de drogue, le maintien d’un emploi ou la poursuite des études est souvent compromis.

 

Plus près de nous, nous connaissons bien les défis que doivent relever les étudiants universitaires en général. Outre qu’ils doivent développer plus d’autonomie et prendre davantage leur apprentissage en charge, la structure de l’enseignement sollicite plusieurs habiletés cognitives de haut niveau, entre autres, l’organisation, la planification et l’effort mental soutenu. Des habiletés qui semblent être affectées chez l’étudiant ayant un TDA/H[12].

 

Plus largement, le jeune adulte ayant un TDA/H évolue dans un contexte social en pleine mutation notamment, par une transformation du marché du travail (croissance de l’emploi à temps partiel, contrats de durée

[1] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 18.

[2] Gua y, M. – C. et coll., (2011/3). « Impacts d’une thérapie comportementale sur les comportements d’opposition et de provocation d’enfants d’âge préscolaire qui présentent un TDAH, un trouble oppositionnel et un retard de langage », Perspectives Psy, vol. 50, p. 256-262.

[3] Vincent, A. (2014). Mon cerveau a ENCORE besoin de lunettes, Le TDAH chez l’adulte, Montréal, Les éditions Québec-Livres, p. 16 -17

[4] Sauriol, D. et Till, D. (2004). « Concentrons-nous sur le TDAH, Nouveau traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité », Action clinique, Montréal, les Éditions Santé et finance

[5] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 19.

 

[6] Abdel-Baki, A. (2005). « L’émergence de la psychose chez l’adolescent et le jeune adulte: réflexions sur l’intervention précoce et l’expérience australienne », Prisme, no 45, p. 30-44.

[7] Gaudet , S. (2001). « La responsabilité dans les débuts de l’âge adulte », Lien social et Politiques – RIAC, no 46, p. 71-83.

[8] Massé, L, Lanaris, C., Couture, C. (2006). Interventions auprès des parents de jeunes présentant un TDAH dans N. Chevalier, M.-C. Guay, A. Achim, P. Lagreix et H. Poissant (Éditeurs), Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité : soigner, éduquer et surtout valoriser, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 280, p.256.

[9] Fauvel , M., Cournoyer, L. (2012). Le rôle-conseil des c.o. et la clientèle TDA/H, Colloque de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ).

[10] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 25-26.

[11] Fauvel , M. et Cournoyer, L. (2012). Le rôle-conseil des c.o. et la clientèle TDA/H, Colloque de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ).

[12] LANDRY, F., GOUPIL, G. (2010). « Le trouble déficitaire de l’attention à l’université », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, numéro 26-2.

[1] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 18.

[1] Gua y, M. – C. et coll., (2011/3). « Impacts d’une thérapie comportementale sur les comportements d’opposition et de provocation d’enfants d’âge préscolaire qui présentent un TDAH, un trouble oppositionnel et un retard de langage », Perspectives Psy, vol. 50, p. 256-262.

[1] Vincent, A. (2014). Mon cerveau a ENCORE besoin de lunettes, Le TDAH chez l’adulte, Montréal, Les éditions Québec-Livres, p. 16 -17

[1] Sauriol, D. et Till, D. (2004). « Concentrons-nous sur le TDAH, Nouveau traitement du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité », Action clinique, Montréal, les Éditions Santé et finance

[1] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 19.

 

[1] Abdel-Baki, A. (2005). « L’émergence de la psychose chez l’adolescent et le jeune adulte: réflexions sur l’intervention précoce et l’expérience australienne », Prisme, no 45, p. 30-44.

[1] Gaudet , S. (2001). « La responsabilité dans les débuts de l’âge adulte », Lien social et Politiques – RIAC, no 46, p. 71-83.

[1] Massé, L, Lanaris, C., Couture, C. (2006). Interventions auprès des parents de jeunes présentant un TDAH dans N. Chevalier, M.-C. Guay, A. Achim, P. Lagreix et H. Poissant (Éditeurs), Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité : soigner, éduquer et surtout valoriser, Québec, Presses de l’Université du Québec, p. 280, p.256.

[1] Fauvel , M., Cournoyer, L. (2012). Le rôle-conseil des c.o. et la clientèle TDA/H, Colloque de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ).

[1] Moulton Sarkis, S. (2013). Le trouble de déficit de l’attention chez l’adulte, Ottawa, Édition Broquet, p. 25-26.

[1] Fauvel , M. et Cournoyer, L. (2012). Le rôle-conseil des c.o. et la clientèle TDA/H, Colloque de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ).

[1] LANDRY, F., GOUPIL, G. (2010). « Le trouble déficitaire de l’attention à l’université », Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, numéro 26-2.