Cognition, métacognition, éducation : l’approche intégrative de l’Atelier d’Apprentissage
L’objectif de cette contribution est d’illustrer comment les connaissances issues des sciences cognitives permettent de nourrir les interventions éducatives auprès d’apprenants en difficulté, au travers de l’exemple de l’Atelier d’Apprentissage. L’Atelier d’Apprentissage est une consultation en éducation spéciale de l’Université de Genève, spécialisée dans la remédiation des problèmes d’apprentissage. Elle s’adresse aux personnes présentant des troubles neurodéveloppementaux (déficience intellectuelle, trouble du spectre de l’autisme, déficit de l’attention/hyperactivité, dyslexie, dyscalculie) ou des difficultés d’apprentissage sans troubles avérés. Notre approche globale et intégrative se situe au carrefour des sciences cognitives et éducatives. La compréhension du développement et du fonctionnement cognitif est au centre de notre modèle. Elle guide l’analyse des facteurs entravant l’apprentissage et la mise en place d’une démarche d’intervention permettant d’améliorer les processus de pensée et d’apprentissage de manière efficace.
Les déterminants de l’apprentissage et de la pensée
L’apprentissage et la pensée sont déterminés par des aptitudes cognitives, métacognitives, et motivationnelles. Ces trois concepts, initialement étudiés indépendamment les uns des autres dans différentes disciplines et courants des sciences cognitives (cognitivisme, cognitivo-comportementalisme, sociocognitivisme), ont de plus en plus été appliqués au domaine de l’éducation et des apprentissages disciplinaires, soit de manière isolée, soit de manière conjointe au travers du concept d’apprentissage autorégulé (Boekaerts & Corno, 2005 ; Zimmerman & Schunk, 2011).
Les processus cognitifs (p. ex. mémoire de travail, attention sélective, fonctions exécutives) sont des processus de traitement de l’information, s’activant généralement de manière automatique et non consciente, et permettant d’acquérir, transformer, stocker, et utiliser les connaissances (Brandimonte, Bruno, & Collina, 2006). Ils sont nécessaires pour percevoir l’environnement, le comprendre, et y répondre de manière adaptée. Leur implication dans l’apprentissage a été largement démontrée (p. ex. Lubin, Regrin, Boulc’h, Pacton, & Lanoë, 2016). La motivation se définit comme un ensemble de sentiments et croyances (tels que sentiment d’efficacité, attribution causale, but d’accomplissement) déterminant les conduites d’apprentissage. De nombreuses recherches ont souligné son impact sur la réussite scolaire (p. ex. Zimmerman, 2011). En ce qui concerne la métacognition, celle-ci joue un rôle prépondérant dans l’apprentissage comme l’atteste nombre d’études menées auprès d’apprenants du préscolaire au postsecondaire (Bryce, Whitebread, & Szúcs, 2015 ; Haberkorn, Lockl, Pohl, Ebert, & Weinert, 2014 ; Ludwig, Finkbeiner, & Knierim, 2013). Sa valeur prédictive des apprentissages est même supérieure à celle de l’efficience intellectuelle (test QI) ou des processus cognitifs (Blair & Razza, 2007 ; Veenman & Spaans, 2005).
La métacognition fait référence à deux composantes interdépendantes (Brown, 1987 ; Pintrich, 2002). La première concerne les métaconnaissances, c’est-à-dire les connaissances qu’un apprenant a de sa propre cognition (forces, faiblesses, habitudes d’apprentissage), sur les tâches (domaine, caractéristiques, difficultés), et sur les stratégies (connaitre des stratégies, pourquoi, comment et quand les utiliser). La deuxième composante concerne les processus métacognitifs qui régulent et contrôlent la cognition et l’apprentissage. Ces derniers sont généralement divisés en trois sous-catégories : planification, contrôle continu et évaluation. La métacognition intervient dans tous les aspects de la pensée et de l’apprentissage. Une mise en œuvre efficace des habiletés métacognitives pourrait être la suivante (Hessels-Schlatter, Hessels, Godin, & Spillmann-Rojas, 2017) : avant de commencer une tâche, l’apprenant définit les buts, anticipe les difficultés et définit les étapes de résolution. Ses métaconnaissances sur les caractéristiques de la tâche et sur ses propres forces et faiblesses le guideront durant ce processus. L’apprenant peut employer des stratégies afin de déjouer les difficultés anticipées, mieux comprendre les demandes de la tâche, organiser les informations ou encore pour réguler son attention. Tout au long de l’exécution de la tâche, l’apprenant contrôle ses activités et ses progrès : il contrôle sa compréhension, corrige et révise ses productions, adapte les stratégies et réajuste son plan de résolution. Une fois la tâche terminée, le processus d’évaluation permet à l’apprenant de comparer le résultat obtenu aux demandes de la tâche ou à ses propres buts, et de réfléchir sur sa manière de résoudre le problème, ainsi que sur l’efficacité des stratégies utilisées.
Les individus présentant des troubles neurodéveloppementaux se caractérisent par des déficits ou limitations plus ou moins marquées sur le plan cognitif, métacognitif, et/ou motivationnel, constituant un frein à l’apprentissage, et entravant leurs capacités d’autonomie et d’adaptation aux demandes du milieu. En ce qui concerne la cognition, les déficits au niveau du raisonnement logique, de la mémoire de travail (MdT), des fonctions exécutives, de l’attention, des processus visuospatiaux, ainsi qu’au niveau du transfert des acquis, sont bien documentés (Inserm, 2016 ; Poloczek, Büttner, & Hasselhorn, 2012 ; Shallice, et al., 2002). Les recherches témoignent également d’une insuffisance au niveau des compétences métacognitives dans ces différents groupes d’apprenants : leurs métaconnaissances sont imprécises, ils ne les utilisent pas ou de manière inappropriée pour réguler leurs actions, et ils ont recours de façon limitée ou inefficace aux activités de planification, de contrôle continu et d’évaluation. Non seulement ils utilisent généralement moins de stratégies, mais elles sont aussi moins élaborées voire même inadéquates, ou utilisées de manière rigide et peu efficace (Händel, Lockl, Heydrich, Weinert, & Artelt, 2014 ; Nader-Grosbois, 2014). Au niveau de la motivation, les apprenants en difficulté présentent souvent une dynamique motivationnelle inadéquate, induisant des comportements entravant l’apprentissage. Ils peuvent éprouver un faible sentiment d’efficacité, attribuer les réussites et échecs à des causes incontrôlables, ou poursuivre des buts de performance plutôt que des buts de maitrise. Par conséquent, les comportements d’apprentissage que l’on observe chez ces personnes sont caractérisés par des stratégies d’évitement, un manque de persévérance, des blocages et, habituellement, une passivité généralisée dans l’apprentissage (Baird, Scott, Dearing, & Hamill, 2009 ; Lichtinger & Kaplan, 2015).
Les différentes approches d’intervention et leurs limites
Différents programmes et méthodes, issus de courants théoriques distincts, ont été conçus afin de développer ou rééduquer les processus de pensée et d’apprentissage (Hessels & Hessels-Schlatter, 2013). Ces approches se distinguent selon le type de compétences visées (cognitives, métacognitives), le degré de généralité ou transférabilité des stratégies entrainées, le type de tâches utilisées (tâches artificielles ou à contenu disciplinaire), ainsi que le public auquel elles s’adressent (âge, présence et types de troubles). Nous pouvons définir trois grands types d’approches, selon qu’elles sont orientées sur : 1) des processus de pensée généraux : il s’agit de programmes « d’éducation cognitive », entrainant des stratégies générales sur des tâches artificielles (p. ex. PEI de Feuerstein, Rand, Hoffman, & Miller, 1980) ; 2) des processus métacognitifs spécifiques à des disciplines scolaires : ces approches enseignent des stratégies spécifiques à la lecture ou à la résolution de problèmes mathématiques, avec des tâches scolaires (p. ex. l’Enseignement Réciproque de Brown, voir Spörer, Brunstein, & Kieschke, 2009 ; Solve it ! de Montague, 2003) ; 3) des processus cognitifs particuliers : les approches neurocognitives et les logiciels de remédiation cognitive entrainant la MdT, l’attention ou les fonctions exécutives, sur des tâches artificielles (p. ex. CogMed de Klingberg, et al., 2005).
Toutes ces approches manquent cependant d’efficacité ou ne produisent pas d’effets de transfert. Les programmes issus du premier groupe ont des effets très limités sur les aptitudes cognitives, et aucun transfert aux apprentissages scolaires ou professionnels n’est constaté (Dignath, Büttner, & Langfeldt, 2008 ; Higgins, Hall, Baumfield, & Moseley, 2005). La littérature montre des résultats mitigés pour les programmes du troisième groupe. Des gains significatifs dans les processus cognitifs entrainés sont assez souvent observés, mais les effets de transfert au domaine scolaire ou à d’autres contextes n’ont pas encore pu être démontrés (Deforge, 2011 ; Van der Donk, et al., 2017). Cela est principalement dû au fait que ces programmes utilisent des tâches de laboratoire artificielles, conçues de manière à ne mettre en jeu que certains processus en particulier. Ces activités ne correspondent pas à la complexité des tâches et aux situations d’apprentissage auxquelles sont confrontés les apprenants, et qui nécessitent une mise en œuvre et une coordination de l’ensemble des processus de traitement d’information. Du point de vue des apprenants, elles sont trop éloignées des contenus scolaires et manquent de validité apparente. Par ailleurs, les aspects métacognitifs n’étant pas inclus, la prise de conscience et la réflexion ne sont pas favorisés. Les approches du deuxième groupe ont par contre un impact positif tant sur les stratégies entrainées que sur les performances aux tâches (lecture ou mathématique selon les programmes) sur lesquelles elles portent (Dignath, et al., 2008). Cependant ces stratégies sont très spécifiques au domaine concerné, et par conséquent non transférables à d’autres tâches ou situations. Par ailleurs, la recherche montre que ces programmes ne sont efficaces que s’ils sont appliqués par les chercheurs eux-mêmes, les enseignants manquant de connaissances et de savoir-faire dans ce domaine (Dignath, et al., 2008). Finalement, toutes ces méthodes ne sont que très peu adaptées aux personnes présentant une déficience intellectuelle modérée à sévère.
L’enseignement (ordinaire et spécialisé), de son côté, ne considère pas les déficits cognitifs et métacognitifs qui limitent l’accès à l’apprentissage, qu’il soit disciplinaire, professionnel, ou lié aux actes de la vie quotidienne, avec pour conséquence une progression limitée au niveau des acquisitions (Dignath, et al., 2008 ; Pintrich, 2002). La transmission des savoirs reste inefficace tant que les processus de pensée et d’apprentissage sous-jacents ne sont pas pris en considération, c’est-à-dire entrainés, compensés, ou que leur impact négatif n’est pas amoindri en aménageant les tâches et les méthodes d’enseignement. Sur le plan métacognitif, bien que les enseignants et les éducateurs jouent un rôle prépondérant dans le développement des compétences métacognitives, peu d’entre eux enseignent ces compétences de manière explicite (Dignath & Veenman, 2020 ; Kistner, et al., 2010 ; Spruce & Bol, 2015). Les auteurs pointent du doigt les méconnaissances des enseignants concernant la métacognition, les stratégies, et plus généralement les mécanismes d’apprentissage. Du point de vue des processus cognitifs, si certaines pratiques enseignantes sont encouragées (notamment celles qui soutiennent la MdT et l’attention), elles ne sont encore que peu appliquées, et généralement uniquement pour les apprenants pour lesquels un diagnostic de dyslexie ou déficit d’attention/hyperactivité a été établi.
L’Atelier d’Apprentissage : une approche globale et intégrative
L’Atelier d’Apprentissage offre une prise en charge des problèmes d’apprentissage aux personnes (enfants, adolescents, adultes) présentant des troubles neurodéveloppementaux ou des difficultés d’apprentissage non spécifiées. L’approche que nous avons développée est une alternative aux modèles d’intervention et d’enseignement existants. Elle est empiriquement fondée (voir Hessels-Schlatter, et al., 2017) et intègre les apports des sciences cognitives et des sciences de l’éducation.
Nous partons du constat que l’éducation et la remédiation auprès d’apprenants en difficulté se heurtent fréquemment à deux écueils : une progression limitée des acquisitions ou du fonctionnement intellectuel global, et le manque de transfert des acquis sur des tâches différentes de celles de l’intervention. On peut attribuer ce manque d’efficacité aux méconnaissances réciproques des sciences cognitives et éducatives, comme exposé précédemment : les approches cognitives n’ont que peu de liens avec les situations naturelles et sont trop éloignées des réalités éducatives, et l’enseignement traditionnel ignore les déterminants cognitifs de l’apprentissage. Nous estimons qu’aussi bien la compréhension des difficultés d’apprentissage que leur remédiation ne peuvent s’effectuer de façon fragmentée et doivent être considérées à la lumière des facteurs cognitifs (processus de pensée et d’apprentissage ; caractéristiques propres des troubles) et éducatifs (contenus et contextes d’apprentissage, validité écologique des tâches) de manière conjointe. Cela inclut également une collaboration avec tous les acteurs concernés (famille, enseignant, éducateur, neuropsychologue, logopédiste). Aussi, notre approche se veut globale et intégrative afin d’aborder la dynamique du fonctionnement de la personne dans sa globalité, sa complexité et son unicité.
Modèle des processus de pensée et d’apprentissage
En ce qui concerne les processus de pensée et d’apprentissage, nous avons développé un modèle (basé sur les considérations théoriques discutées plus haut) qui nous sert de cadre aussi bien pour l’évaluation que pour l’intervention (fig. 1 ; voir aussi Hessels-Schlatter, 2010a,b ; Hessels-Schlatter, et al., 2017). Ce modèle articule les habiletés cognitives (processus attentionnels, mnésiques, exécutifs, visuospatiaux, et logiques), métacognitives (planification, contrôle continu, évaluation, métaconnaissances, stratégies), et motivationnelles (sentiment d’efficacité, estime de soi, attributions causales). Ces différentes composantes s’influencent mutuellement, selon un processus dynamique et récursif. Les métaconnaissances (connaissances sur son fonctionnement, les caractéristiques des tâches, l’utilité et les conditions d’application des stratégies) déterminent l’application des processus métacognitifs et des stratégies, et contribuent à une meilleure gestion des processus cognitifs. Par exemple, la conscience qu’une tâche implique un nombre important d’étapes (métaconnaissances sur la tâche) et que l’on a tendance à être désorganisé ou à oublier des parties (métaconnaissances sur soi) permet à l’apprenant de planifier la tâche (anticiper les difficultés, définir les étapes), contrôler ses activités, et évaluer sa performance en conséquence.
Figure 1. Modèle théorique des processus de pensée et d’apprentissage, et leurs interactions.
Ses connaissances de l’utilité et des conditions d’application des stratégies guident l’apprenant dans la sélection de stratégies appropriées (p. ex. numéroter ou laisser des traces) afin de faciliter la planification et le contrôle, et soutenir les processus cognitifs (MdT, attention sélective).
Les stratégies sont particulièrement importantes. Nous les définissons comme des activités permettant d’apprendre (comprendre, mémoriser, récupérer, et appliquer les connaissances) et d’exécuter des tâches plus facilement et de manière plus efficace. La plupart des modèles théoriques (Pintrich, 2002 ; Weinstein, Husman, & Dierking, 2000) limite la définition des stratégies au rôle qu’elles jouent dans la compréhension et la mémorisation des informations (p. ex. stratégies d’organisation, élaboration, encodage et récupération), et ne les rattache pas à des processus cognitifs spécifiques. Notre modèle intègre non seulement les stratégies liées à l’acquisition des connaissances, mais également les stratégies nécessaires au traitement des tâches en cours (qu’il s’agisse d’un exercice scolaire ou d’un travail en atelier). De plus, nous lions directement les stratégies aux processus cognitifs (MdT, attention, processus visuospatiaux, etc.) et métacognitifs qu’elles permettent d’activer, soutenir ou faciliter (voir les exemples plus loin). Les stratégies peuvent être générales (transférables à différents types de tâches) ou spécifiques à un type d’activité. Elles sont toujours dirigées vers un but, et, contrairement aux processus cognitifs, elles sont appliquées de manière intentionnelle et consciente. De ce fait, elles dépendent non seulement de la qualité des métaconnaissances, mais également de la dynamique motivationnelle. Se montrer stratégique requiert des efforts et de la volonté à persévérer. Par conséquent, l’apprenant doit se sentir capable et avoir un sentiment de contrôle sur la situation. Inversement, disposer d’un répertoire de stratégies étoffé induit chez l’apprenant un sentiment d’efficacité et de contrôle accru. Les réflexions et prises de conscience en fin de tâche (évaluation) permettent d’affiner les métaconnaissances et favorisent une dynamique motivationnelle positive.
En ce qui concerne les processus cognitifs, des métaconnaissances et stratégies adéquates, comme on l’a vu, peuvent contribuer à un déploiement plus efficace. Cependant, l’application de stratégies mobilise des ressources cognitives, d’autant plus si elles ne sont pas automatisées. De même des pensées intrusives liées à des sentiments ou croyances motivationnelles négatives chargent inutilement la MdT. Finalement, planifier et contrôler ses activités (processus métacognitifs) repose sur des capacités mnésiques et exécutives (processus cognitifs) robustes.
L’évaluation à l’Atelier d’Apprentissage
Nous procédons à une évaluation globale des problèmes d’apprentissage en nous intéressant aussi bien aux processus de pensée et d’apprentissage qu’aux aspects familiaux, scolaires ou professionnels qui peuvent éclairer la situation. Dans un premier temps, nous effectuons un entretien avec l’apprenant, afin d’obtenir des informations sur sa propre perception de la situation, ses capacités d’autoévaluation, ses métaconnaissances, ainsi que sa dynamique motivationnelle. Le but est également d’éclaircir les habitudes de travail, l’organisation des tâches à faire, la concentration en classe, ou encore les aides parentales. Puis nous demandons aux parents ou représentants légaux de compléter ces informations (p. ex. antécédents, éventuels diagnostics, parcours scolaire). La perception de la situation par l’entourage permet de mettre en contexte les informations obtenues et d’éclairer la situation selon différents points de vue. Dans un deuxième temps, nous proposons à l’apprenant d’effectuer différents exercices afin d’évaluer les compétences cognitives, métacognitives, et motivationnelles.
Évaluation clinique fonctionnelle, écologique et dynamique
L’évaluation des processus de pensée et d’apprentissage repose sur l’observation clinique (directe et/ou d’après les enregistrements vidéo) de la mise en œuvre de ces processus en cours de tâche. Dans un contexte éducatif, il est essentiel pour nous de pouvoir lier directement l’évaluation à l’intervention. Des performances obtenues à des tests psychométriques (compétences cognitives) ou des stratégies et croyances rapportées au travers de questionnaires ou d’entretiens (compétences métacognitives et motivationnelles) ne nous apportent que peu d’informations quant au déploiement de ces variables en situation réelle. Par contre, l’observation des verbalisations et des comportements en cours de tâche permet d’évaluer de façon microanalytique la mise en œuvre des processus de pensée et d’apprentissage en tant que processus dynamiques (et non comme des états ou traits psychologiques), et de façon contextualisée et située, en relation avec une tâche et une situation précises (Cleary, Callan, & Zimmerman, 2012 ; Ludwig, et al., 2013). Ainsi, dans notre pratique, l’évaluation des processus de pensée est fonctionnelle, écologique et dynamique.
L’évaluation est fonctionnelle car notre intérêt n’est pas de déterminer si et à quel degré les habiletés sont limitées (au travers de comparaison avec des normes de référence), mais de comprendre comment elles sont mises en œuvre, avec quelle efficacité, quelles sont les interactions entre les processus, quels éléments entravent ou au contraire soutiennent les processus, et quelles en sont les répercussions sur les performances. Nous sommes donc peu intéressés au résultat, mais centrés sur les processus qui conduisent à ce résultat.
L’évaluation est écologique car nous n’utilisons pas de tâches artificielles et décontextualisées comme c’est le cas dans les tests psychométriques, mais des tâches complexes, impliquant la mise en œuvre simultanée de tous les processus, et similaires aux situations d’apprentissage que l’apprenant rencontre dans son quotidien. Cela nous permet d’analyser quels facteurs du contexte (demandes de la tâche, charge cognitive) ou de la personne entravent ou au contraire favorisent l’application des processus de pensée et leur efficacité. Nous utilisons deux types de tâches, l’une dite neutre (problème visuospatial) et l’autre avec contenu disciplinaire. Ceci nous permet de comparer la mobilisation des processus entre les deux types de tâches. En effet, une tâche scolaire peut entrainer un sentiment d’incapacité ou représenter une situation menaçante si elle rappelle des expériences d’échec. De plus, des lacunes au niveau des savoirs et savoir-faire (p. ex. notions grammaticales, algorithmes) peuvent provoquer une surcharge cognitive et entraver le processus de résolution.
Finalement, l’évaluation est dynamique car caractérisée par une interaction entre l’apprenant et l’examinateur, au travers d’un questionnement métacognitif. D’une part, l’apprenant est amené à expliciter sa démarche ce qui donne accès à ses processus de pensée. D’autre part, cela permet à l’examinateur de fournir des aides et des étayages, ce qui renseigne sur les ajustements des processus en fonction de l’avancement dans la tâche ou des aides apportées.
Relevons encore que l’évaluation est continue et se poursuit durant l’intervention, permettant l’ajustement des objectifs, des outils et du matériel selon l’évolution de l’apprenant.
L’intervention à l’Atelier d’Apprentissage
Le but des prises en charge à l’Atelier d’Apprentissage est de stimuler, entrainer, ou rééduquer les processus de pensée et d’apprentissage (cognitifs, métacognitifs, motivationnels), et de soutenir les apprenants dans les situations d’apprentissage qui sont les leurs (famille, école, travail). Les objectifs spécifiques sont établis suite à l’évaluation initiale. Les interventions sont entièrement individualisées et adaptées aux besoins de chaque personne, et nous entretenons une étroite collaboration avec la famille et les différents professionnels impliqués.
L’entrainement des habiletés métacognitives et motivationnelles s’effectue toujours de manière explicite (notamment au travers des métaconnaissances) et structurée (Bissonnette, Richard, Gauthier, & Bouchard, 2010 ; Campione & Brown, 1984 ; Pintrich, 2002). L’enseignement structuré non seulement renforce les habiletés métacognitives (stratégies, planification, contrôle, évaluation), mais aussi soutient les processus cognitifs (attention, fonctions exécutives). Ces derniers sont également rendus plus performants par l’enseignement de stratégies de soutien et le développement des métaconnaissances (prise de conscience de ses propres difficultés attentionnelles ou mnésiques). Par ailleurs, nous tentons de minimiser les entraves à l’apprentissage dues aux déficits cognitifs en aménageant les tâches de manière à limiter les surcharges cognitives liées à la forme ou au contenu des tâches (p. ex. nombre d’informations à traiter, style des caractères).
Durant l’intervention, nous proposons tout d’abord des tâches neutres (jeux, problèmes visuospatiaux) pour les raisons motivationnelles et cognitives évoquées plus haut. L’objectif est que l’apprenant dédie ses ressources attentionnelles à la découverte, application et réflexion sur les stratégies/processus (et non sur le contenu). Ensuite, nous transférons les compétences et les stratégies sur des tâches scolaires, professionnelles ou du quotidien, en fonction des objectifs d’intervention.
Une approche métacognitive
La métacognition est fondamentale dans l’approche à l’Atelier d’Apprentissage, tant dans ses méthodes d’intervention (enseignement explicite, questionnement métacognitif, et utilisation de la verbalisation pour favoriser la prise de conscience de son fonctionnement, la réflexion et le contrôle de ses activités cognitives) que dans ses objectifs (développement des capacités de planification, contrôle et évaluation, des stratégies et des métaconnaissances). Cependant, le développement des compétences métacognitives n’est pas considéré comme une fin en soi. La métacognition est toujours traitée en lien avec des situations d’apprentissage particulières, et dans son rôle de soutien aux processus cognitifs. Comme lors de l’évaluation, l’intérêt est porté davantage sur les processus nécessaires à l’acquisition, à la rétention, et à l’utilisation des connaissances, que sur les connaissances elles-mêmes.
Une approche centrée sur le transfert
Une autre spécificité de notre approche concerne le transfert des apprentissages, que nous entrainons systématiquement et de manière explicite au cours de l’intervention. L’application d’une compétence acquise dans un contexte particulier à un nouveau contexte ne va pas de soi pour nombre d’apprenants, et exige un enseignement explicite, sur des tâches variées, liées aux expériences propres de la personne, c’est-à-dire qui ont une validité écologique (Campione & Brown, 1984 ; Pintrich, 2002). Par ailleurs, l’amélioration d’une compétence isolée n’est sans doute pas suffisante pour donner lieu à du transfert, si les autres processus de pensée restent inefficaces. C’est pourquoi notre approche insiste sur le développement simultané de toutes les compétences cognitives, métacognitives, et motivationnelles.
Nous entrainons le transfert des habiletés non seulement entre les tâches proposées à l’Atelier, mais aussi sur les activités du quotidien des apprenants. C’est au travers d’une analyse cognitive des tâches (processus impliqués, selon notre modèle) que nous travaillons le transfert. Les processus et stratégies ciblés sont ainsi repris dans une multiplicité de tâches. Cela permet d’exercer et consolider les compétences mais aussi, et surtout d’amener l’apprenant à les adapter aux demandes et spécificités propres à chaque situation. Afin d’illustrer comment une analyse cognitive permet de travailler le transfert entre différentes situations éducatives, nous prenons l’exemple d’un jeu d’observation et explicitons comment les processus et stratégies impliqués dans ce jeu peuvent être concrètement transférés sur une tâche d’orthographe ainsi que sur une activité de cuisine.
Ce jeu d’observation est constitué de planches comprenant chacune neuf variantes d’un même motif. Chaque variante est également représentée sur une petite carte. Les différences entre les variantes sont nombreuses et requièrent une comparaison précise et détaillée des éléments qui y figurent. Le joueur doit replacer chaque carte sur l’image identique de la planche. Ce jeu permet d’entrainer une série de processus et stratégies, dont une partie est décrite ici. Au niveau des processus cognitifs : la MdT (maintenir en mémoire l’élément recherché pendant la comparaison des images), l’attention sélective (focaliser l’attention sur un élément en particulier), l’inhibition (éléments non utiles à la comparaison en cours, ou inhiber une réponse impulsive, comme placer une carte avant d’avoir vérifié tous les éléments), et la flexibilité (changer de critère de recherche en passant à une nouvelle image). Sur le plan métacognitif : la planification (anticiper les difficultés, p. ex. le fait que les images se ressemblent ; déterminer les étapes, p. ex. vérifier toutes les images avant de passer à une nouvelle carte), et le contrôle continu (p. ex. au niveau des détails des images ou revenir sur les erreurs). En ce qui concerne les stratégies qui permettent d’effectuer la tâche plus efficacement, nous en présentons trois ici et précisons quels processus cognitifs et métacognitifs elles permettent de soutenir et comment :
- Décrire-analyser les images : permet de repérer les caractéristiques pertinentes, comme la position des éléments ; oriente l’attention sur des éléments particuliers ; soutient la MdT par un double encodage verbal et visuel ;
- Chercher des indices (p. ex. des éléments qui discriminent les images entre elles) : permet de focaliser l’attention sur un aspect particulier, d’inhiber les éléments non pertinents, et de décharger la MdT ; cela favorise également la flexibilité au moment de passer à un nouvel élément ;
- Laisser des traces (p. ex. mettre de côté les cartes vérifiées) : la réduction du nombre de stimulus visibles soulage la MdT et favorise l’inhibition des éléments superflus ; par conséquent cela renforce l’attention sélective sur les éléments cibles, et autorise une meilleure flexibilité (passer d’un élément à un autre).
Ces trois stratégies soutiennent également la planification (p. ex. la description met en évidence les similitudes des images, et donc la difficulté de la tâche), ou le contrôle (p. ex. la mémoire externe autorise un contrôle continu des activités en cours).
Dans le premier exemple de transfert présenté ici, un exercice d’orthographe, ces mêmes processus et stratégies peuvent être travaillés et directement transférés. Les activités d’orthographe impliquent en effet : le maintien en MdT de la phrase tout en activant le lexique et en appliquant les règles, l’attention sélective (p. ex. focaliser son attention sur une terminaison), l’inhibition (p. ex. des mots précédemment écrits, ou de réponses automatiques, comme ajouter un « s » à un verbe au pluriel), et la flexibilité (changer de règles pour chaque nouveau mot). Comme dans le jeu, on peut amener l’apprenant à anticiper les difficultés (p. ex. les lettres muettes, la présence de subordonnées), planifier les étapes (p. ex. relectures en plusieurs passages : vérifier d’abord tous les noms, puis les accords des verbes), et contrôler (faire attention aux détails, comme les accents, considérer le contexte, p. ex. pour les homophones). On pourra inciter l’apprenant à s’aider des mêmes stratégies que dans le jeu : décrire-analyser les mots (p. ex. pour identifier la classe grammaticale ou repérer les particularités comme les doubles consonnes), chercher des indices (p. ex. le sujet du verbe), et laisser des traces (p. ex. pour se souvenir des mots sur lesquels il faut revenir).
Le deuxième exemple de transfert est une activité de cuisine (confectionner un gâteau). Tout comme dans le jeu, cette activité implique la MdT (maintenir en mémoire les ingrédients déjà ajoutés tout en préparant les suivants), l’attention sélective (p. ex. lors de la recherche du sucre dans l’armoire), l’inhibition (p. ex. inhiber les quantités des ingrédients dont on s’est déjà occupé ; ou une action impulsive, comme verser la farine avant de l’avoir pesée), et la flexibilité (changer d’ustensile selon les besoins, p. ex. le type de cuillère). L’apprenant sera amené à anticiper les difficultés (p. ex. la complexité de la recette), à planifier les étapes (préparer les ingrédients et ustensiles au préalable, faire fondre le beurre avant son utilisation), et à contrôler (p. ex. le bon déroulement des étapes, les quantités). L’application des mêmes stratégies que dans le jeu sera utile ici : décrire-analyser la recette, afin de repérer les difficultés potentielles et identifier les informations indispensables ; chercher des indices, comme les unités de mesure, ou les numéros des étapes ; laisser des traces, p. ex. souligner des informations dans la recette, ou mettre une alarme qui rappellera de sortir le gâteau du four.
Efficacité de l’approche et pertinence dans le domaine de la lecture chez les personnes avec DI
L’efficacité de l’approche a pu être démontrée dans plusieurs études de validation, auprès de publics variés tant au niveau de l’âge (enfants, adolescents, jeunes adultes) que des conditions (troubles des apprentissages, déficience intellectuelle, déficience auditive, migrants non francophones, élèves tout-venant). Une partie de ces études a été conduite en contexte clinique à l’Atelier d’Apprentissage (voir Bosson, 2010 ; Bosson, et al., 2010). Nous avons ensuite implémenté avec succès notre approche dans des contextes naturels (écoles spéciales, classes spécialisées, classes ordinaires en REP), selon des designs expérimentaux incluant des groupes contrôle, prétest, posttest, et posttest différé (voir Hessels, Hessels-Schlatter, Bosson, & Balli, 2009 ; Hessels-Schlatter, 2010a,b ; Hessels-Schlatter, et al., 2017).
Dans toutes ces recherches, des effets significatifs suite à l’intervention ont pu être constatés sur les compétences métacognitives (processus, stratégies, métaconnaissances), avec transfert sur des tâches à contenu disciplinaire aboutissant à de meilleures performances. Dans les études où cela a été mesuré, les gains ont été maintenus, voire renforcés, après plusieurs mois.
Nous nous limiterons ici à illustrer au travers de deux études de cas la pertinence de notre approche dans le cadre de l’apprentissage de la lecture chez les adultes présentant une déficience intellectuelle (DI) modérée à sévère. La lecture est une activité cognitive complexe, et les déficits que présentent ces personnes entravent considérablement cet apprentissage (Inserm, 2016) ; ne pas influer directement sur ces habiletés compromet toute tentative d’enseignement. L’objectif de ces études était d’explorer si une intervention métacognitive basée sur notre approche permet d’améliorer les compétences en lecture-identification (étude 1) et lecture-compréhension (étude 2) chez des adultes avec DI importante. Contrairement aux interventions que nous effectuons à l’Atelier d’Apprentissage et celles menées dans les études mentionnées ci-dessus, nous n’avons entrainé que des habiletés spécifiques à la lecture. Afin d’exemplifier comment les composantes cognitives sont intégrées dans notre démarche éducative, nous débutons par une présentation sommaire des processus impliqués dans la lecture. Puis nous exposons plusieurs stratégies et précisons quels processus cognitifs et métacognitifs elles activent ou soutiennent.
L’implication des processus cognitifs dans la lecture-identification et la lecture-compréhension est bien étayée (p. ex. Cain & Oakhill, 2009 ; Kendeou, et al., 2014 ; Lubin, et al., 2016). La MdT intervient dans le déchiffrage (conversion graphème–phonème) et dans le maintien des sons activés pendant la fusion syllabique. Au niveau de la compréhension, la MdT est indispensable pour les traitements de haut niveau, comme les inférences, la création d’une représentation mentale, et le contrôle de la cohérence. L’attention sélective, l’inhibition et la flexibilité cognitive permettent notamment de sélectionner les informations essentielles, inhiber les informations non pertinentes ou les éléments déjà traités, et d’ajuster les représentations en cours de lecture. La structuration visuelle est impliquée dans la discrimination des lettres (a–o, p–q), les traitements parties–ensemble (lettres–mots, mots–phrase), le repérage sur la page et le suivi d’une ligne. Finalement, le raisonnement logique (inférences inductives et déductives) est essentiel pour la construction du sens, compléter l’implicite et réduire les ambigüités. Les inférences concernent par exemple les anaphores, les antécédents causaux, les indicateurs temporels, les connexions entre les différentes parties du texte ainsi qu’avec ses propres connaissances.
Le rôle des habiletés métacognitives a été étudié essentiellement pour la lecture-compréhension (Eme, Puustinen, & Coutelet, 2006 ; Eme & Rouet, 2001). Les recherches soulignent l’importance des métaconnaissances sur la tâche (lire, c’est comprendre ; reconnaitre la fonction des éléments qui structurent un texte, les caractéristiques et difficultés selon le type de texte), sur les stratégies (reformuler, résumer), et sur soi (ses forces et faiblesses en tant que lecteur). Les processus métacognitifs sont impliqués au niveau de la planification (p. ex. difficulté du texte, but de lecture), du contrôle continu (vérification de la compréhension, de la cohérence entre les informations internes et externes au texte), et de l’évaluation (jugement de sa compréhension, réflexions sur les stratégies et leur efficacité).
Un grand nombre de stratégies peut être mis en œuvre pour soutenir les différents processus cognitifs et métacognitifs, et, par là, améliorer le décodage et la compréhension (Hessels-Schlatter, 2010a).
- Décrire-analyser (les graphies, la structure du texte) : soutient la structuration visuelle (discrimination des lettres, traitements spatiaux, analyse-intégration des stimulus), la MdT, et la planification (repérer les difficultés) ;
- Clarifier (ce qui n’est pas compris) : soutient la flexibilité, les inférences et le contrôle ;
- Chercher des indices (éléments discriminatifs, informations importantes) : soutient la structuration visuelle, l’attention sélective, l’inhibition, les inférences ;
- Visualiser (se créer une image mentale) : soutient la structuration visuelle, la flexibilité et les inférences ;
- Verbaliser (répéter à haute voix les graphèmes décodés, verbaliser ce qui est en train d’être fait) : soutient la MdT, la planification (étapes) et le contrôle ;
- Reformuler avec ses propres mots : soutient les inférences et le contrôle ;
- Suivre avec le doigt : soutient la structuration visuelle (se repérer dans la phrase ou page), l’attention sélective, l’inhibition ;
- Démarche systématique : soutient la MdT, l’inhibition, et la planification.
Dans les deux études, la méthode d’intervention a suivi les principes de notre approche, à savoir : enseignement structuré et explicite (avec développement des métaconnaissances), questionnement métacognitif, promotion du transfert, et aménagement des tâches (p. ex. taille des polices, utilisation de supports visuels) afin d’éviter une surcharge cognitive inutile. S’agissant d’illustrations, nous nous limiterons à résumer de façon sommaire les principaux résultats.
Étude de cas avec un participant non lecteur
Cette étude pilote (Saurer, 2019) a été menée avec un jeune homme de 20 ans (habiletés cognitives entre 4 et 8 ans d’âge mental), non lecteur, et ciblait la lecture-identification. L’intervention a compris quinze séances de 50 minutes. Trois stratégies (suivre avec le doigt, verbaliser, visualiser) ayant un impact sur les processus cognitifs et métacognitifs impliqués dans le décodage ont été enseignées de façon explicite. Les autres compétences métacognitives ont été entrainées indirectement au travers du questionnement métacognitif. Les tâches d’entrainement comprenaient des exercices de conscience phonologique, de décodage, et de lecture-compréhension. Les effets de l’intervention ont été mesurés d’une part avec des tests de lecture de syllabes, mots, et phrases et des tests d’aptitude (mnésique, attentionnel) administrés en pré- et posttest, et d’autre part à l’aide d’une grille d’observation (analyse micro-analytique d’enregistrements vidéo).
Les résultats mettent en évidence des améliorations sur différentes variables. En ce qui concerne les compétences métacognitives, les observations montrent des progrès importants entre le prétest et le posttest dans six des quatorze variables observées : la prise d’information (planification), le contrôle du décodage et de la compréhension, les stratégies suivre avec le doigt et verbaliser, ainsi que les métaconnaissances sur les stratégies. Des progrès plus modestes sont relevés dans sept variables : procéder par étapes (planification), évaluation de ses performances, les stratégies ajuster la vitesse de lecture, chercher des indices, démarche systématique, visualiser, ainsi que les métaconnaissances sur les tâches. Les métaconnaissances sur soi n’ont pas évolué entre le pré- et le posttest. Sur le plan motivationnel, l’apprenant a développé une meilleure estime de soi et est devenu plus persévérant face à la difficulté. L’observation qualitative des processus cognitifs a montré une légère amélioration pour quatre des six variables (MdT, inhibition, flexibilité, attention sélective visuelle). Le traitement visuospatial (repérage dans la page et dans les phrases écrites) a par contre progressé de manière importante. L’attention soutenue est restée très variable, sensible à toute source de distraction. Quant aux tests d’aptitude, le participant a éprouvé des difficultés à comprendre et respecter les consignes, et ceux-ci ont été largement échoués aussi bien au pré- qu’au posttest, hormis le test d’attention visuelle sélective où le score est passé de 5/10 à 8/10. En ce qui concerne les performances en lecture-identification, le décodage correct de syllabes a augmenté de 42% à 50% entre le prétest et le posttest, et celui de mots de 39% à 57%.
Considérant le nombre d’heures d’enseignement très limité (13h), ces résultats sont très encourageants et illustrent le potentiel d’une approche métacognitive pour le développement des capacités en lecture-identification. Une intervention sur du plus long terme est bien sûr nécessaire, et devrait inclure un travail encore plus ciblé sur les fonctions exécutives. Le déficit d’inhibition était en effet le facteur qui entravait le plus l’application des stratégies et le décodage.
Étude de cas multiples avec quatre participants lecteurs-décodeurs
Dans ce deuxième exemple (Brandon, 2020) l’intervention ciblait la lecture-compréhension. Elle a été menée en individuel avec quatre adultes (27 à 51 ans) lecteurs-décodeurs, à raison d’une trentaine de séances de 60 minutes. Onze stratégies (générales et spécifiques) soutenant les processus cognitifs et métacognitifs impliqués dans la compréhension de texte ont été entrainées (p. ex. Marquer des pauses pendant la lecture, Verbaliser, Clarifier, Chercher des indices, Retour au texte). Les tâches d’entrainement comprenaient des textes descriptifs et narratifs portant sur différents thèmes du quotidien des apprenants. Des tâches neutres sans langage écrit (principalement des jeux) ont également été utilisées, afin de travailler le transfert des stratégies générales. Les effets de l’intervention ont été mesurés à l’aide de plusieurs tests de lecture comprenant des questions directes et inférentielles. Des analyses microanalytiques d’enregistrements vidéo ont été réalisées afin d’évaluer l’utilisation des stratégies.
Les résultats montrent que tous les participants ont progressé dans la fréquence d’utilisation des stratégies spécifiques entre le prétest et le posttest (Mpré = 24.8, é.-t. = 9.2 ; Mpost = 106.0, é.-t. = 59.3). L’analyse de variance à mesures répétées est marginalement significative et la taille d’effet est grande (F1,3 = 9.258, p = .056, η = .76). On constate également une augmentation dans la fréquence d’utilisation des stratégies générales, mais moindre. La différence en pré- et posttest (Mpré = 25.0, é.-t. = 15.8 ; Mpost = 41.5, é.-t. = 41.0) n’est pas significative, néanmoins la taille d’effet est grande (F1,3 = 1.317, ns, η = .31). En parallèle, on observe une amélioration importante dans la compréhension de textes. La moyenne des réponses correctes augmente de 46% (é.-t. = 20.6) au prétest à 66% (é.-t. = 22.5) au posttest. L’analyse de variance à mesures répétées est significative et la taille d’effet est grande (F1,3 = 11.707, p = .042, η = .80). On peut noter que les progrès ont été beaucoup plus importants pour les questions directes que pour les questions inférentielles. Il est intéressant de relever que les temps de résolution des tâches ont nettement augmenté entre le prétest (M = 7.30 minutes) et le posttest (M = 19.40). Au vu des progrès constatés, il est possible d’attribuer ce temps supplémentaire à une application plus importante et plus efficace des stratégies. Finalement, suite à l’intervention, les quatre participants ont montré de meilleures métaconnaissances sur eux-mêmes et sur les stratégies, et trois d’entre eux percevaient une plus grande utilité d’adopter un comportement stratégique. Par contre, les habitudes de lecture au quotidien (fréquence, type de lecture) ont peu changé. Ces résultats mettent en évidence qu’un enseignement structuré et explicite de compétences métacognitives permet aux personnes adultes avec une DI d’accéder à une meilleure compréhension en lecture de textes. Ils pointent également la nécessité d’intégrer un travail sur le contexte de vie (privé, professionnel) des personnes, afin de leur donner accès à plus d’opportunités de lecture.
Conclusion
La remédiation des problèmes d’apprentissage et plus globalement du fonctionnement cognitif demeure une entreprise difficile. Notre approche globale et intégrative se veut une réponse au manque d’efficacité souvent constaté dans les méthodes traditionnelles d’enseignement ou les approches issues des sciences cognitives. Pour cela, nous abordons les problèmes d’apprentissage et leur remédiation selon une perspective cognitive, laquelle articule les habiletés cognitives, métacognitives et motivationnelles sous-jacentes à l’apprentissage et à la pensée. Nous portons une attention particulière à la question du transfert des compétences, l’objectif étant d’amener l’apprenant à remobiliser ses compétences dans les différents contextes de vie où il évolue. Notre approche centrée sur la métacognition est aussi un moyen d’y parvenir, tout comme la collaboration avec la famille et les autres professionnels. De précédentes études cliniques et en contexte naturel ont démontré les bénéfices de cette approche pour des apprenants présentant une DI ou d’autres troubles, tant du point de vue de l’amélioration des processus d’apprentissage que des performances, avec maintien des gains et transfert sur des tâches à contenu disciplinaire.
Les résultats des études de cas sur l’apprentissage de la lecture chez des adultes présentant une DI modérée à sévère sont tout à fait prometteurs et soulignent le potentiel de notre approche. Des recherches avec plus de participants et surtout une intervention plus intensive et se déroulant sur du plus long terme sont nécessaires. La stimulation du développement cognitif et l’apprentissage d’une capacité aussi complexe que la lecture chez les personnes avec DI ne peut se limiter à quelques heures d’entrainement. Du point de vue de la recherche, ce type d’intervention est couteux en ressources et en temps. Une autre difficulté réside dans la grande hétérogénéité des compétences inter- et intraindividuelle que l’on observe chez ces personnes, rendant épineux la création de groupes homogènes, et par là les comparaisons (Petitpierre & Martini-Willemin, 2014). Dans ce contexte, la question du passage de la recherche au terrain est cruciale. Il a été démontré (Dignath & Veenman, 2020 ; Spruce & Bol, 2015) que les enseignants et les éducateurs sont un vecteur essentiel dans le développement des compétences cognitives et métacognitives et que cela impacte directement les acquisitions chez leurs élèves. Développer chez les professionnels les connaissances théoriques, un style d’enseignement et d’éducation métacognitif, les outiller avec des techniques d’enseignement explicite et qui promeuvent le transfert, y compris auprès des apprenants avec des difficultés sévères, nous semble primordial.
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